La majorité de gauche du Sénat vient de voter une proposition de loi élargissant le droit de vote aux
élections locales aux étrangers.
Le maire d’une ville dite de « banlieue » que je suis, adresse ses remerciements et ses félicitations
aux sénateurs et sénatrices et à Esther Benbassa, sénatrice EELV qui fut rapporteuse de la
loi (intellectuelle reconnue et elle-même citoyenne riche d’une triple culture française, turque et
israélienne).
A Arcueil, les citoyens étrangers ont déjà voté : en décembre 1999, notre conseil municipal a décidé
d’organiser un référendum local sur un grand projet d’urbanisme (les Portes d’Arcueil). A l’époque,
pour moi comme pour les élus de la majorité municipale, la décision est claire : tous nos concitoyens
pourront participer à cette consultation.
Seul problème, la loi ne le permet pas ! Nous rédigeons donc notre délibération avec la formule
suivante : « les citoyens d’Arcueil seront appelés à voter sur ce projet »
Pour le contrôle de légalité, citoyen signifie français. Pour nous, citoyen signifie arcueillais ! Comment
pourrait-il en être autrement ? Ils vivent parmi nous, ils paient leurs impôts, ils participent à la vie
locale, ils encadrent les associations, et ils n’auraient pas le droit de s’exprimer sur l’avenir de leur
ville ?
Qu’en retenir ? D’abord que la consultation remporte un beau succès et plusieurs centaines
d’Arcueillais de nationalité étrangère y participent, malgré l’agitation d’un sous préfet qui tenta, en
vain de faire annuler la tenue de ce référendum ! Ensuite, que ce jour là, 49 nationalités différentes
sont « recensées ». On pense toujours aux étrangers issus de nos anciennes colonies, mais
ont participé des Australiens, des Chinois, des nationaux de huit pays d’Amérique latine… et un
Néozélandais ! Bien sur les pays les plus représentés étaient le Vietnam, l’Algérie, le Maroc, le Mali
ou la Cote d’Ivoire. Enfin, que cet acte assumé publiquement et revendiqué par les élus n’a soulevé
aucun problème et aucune opposition dans la ville. Je remercie les élus d’opposition de l’époque qui
ont accepté cette décision.
Je retiendrai surtout la fierté des enfants français nés de parents étrangers.
On parle parfois de leurs difficultés à s’intégrer. Ce jour là, ces jeunes étaient fiers. Enfin on
reconnaissait le rôle de leurs parents. C’est pour moi une chose essentielle. Quel maire n’a pas
entendu de la part de certains jeunes : « vous avez malmené nos parents, nous on ne se laissera
pas faire ! » ? Là, il n’y avait que du partage de citoyenneté positive. Les parents et les enfants votant
ensemble ! Aucune tension, une grande sérénité.
Je suis maire depuis 15 ans, j’ai avec mon équipe connu beaucoup de bonheurs, de réussites et
bien sur de difficultés mais ce moment reste et restera le plus beau de mon action de maire. Pour
l’expliquer je conclurai en vous racontant deux anecdotes :
• Une jeune fille venue avec sa maman, m’a expliqué qu’elle avait passé plusieurs heures pour
apprendre à signer de son nom et ne pas avoir à signer avec une croix ! Elle ne savait pas
écrire, elle a appris pour cette occasion.
• Un monsieur algérien, habitant notre commune depuis 40 ans et au RMI au moment de ce
référendum est arrivé dans le bureau de vote, droit comme un i. Il s’était pour cette occasion
acheté une chemise et une veste neuves. Je n’oublierai pas son regard, fier !
Ce jour là, notre décision, au demeurant si banale, a rendu à nos concitoyens étrangers de la dignité.
Merci à nos sénatrices et sénateurs. Peut-être notre pays qui fut parmi les premiers à promouvoir
la citoyenneté en 1792 ne sera finalement pas le dernier à la reconnaitre pour les étrangers. Et
lorsque aujourd’hui j’entends « les Français ne sont pas prêts », je réponds que les Arcueillais ont
magnifiquement démontrés le contraire.
La France est belle quand elle rassemble.
Quittez vos peurs !
Daniel Breuiller
Maire d’Arcueil